Carole Benzaken
(née en 1964 à Grenoble)
Carole Benzaken est peintre. Son art s’articule autour de l’image et de sa transposition. L’artiste aime les images et les collecte, comme substrat de son œuvre. Peu importe le sujet, ou presque, car c’est la question du passage que l’artiste explore.
Elle choisit des motifs qu’elle considère cheap : les tulipes au début des années 1990, les photographies de sport ensuite, puis, en 1997, les funérailles de lady Diana. Elle s’inspire d’une image sélectionnée, souvent de très petite taille, puis la peint, l’heure venue, sur une toile de grand format.
Pour By Night, l’artiste a filmé à travers l’écran du pare-brise de sa voiture alors qu’elle conduisait, à Los Angeles, le crépuscule, la lumière changeante et ce qui lui faisait face sur la route : l’arrière d’une voiture, ses feux de nuit, l’ombre de bâtiments bas et d’un palmier, la signalétique urbaine, la lumière artificielle. La nuit tombe et l’environnement s’éclaire d’une vie persistante : le sombre des noirs mats tranche avec la lumière, très blanche et satinée à sa source, colorée et flamboyante sur les pourtours.
A la technique du montage, Carole Benzaken emprunte la possibilité de juxtaposer des médiums aussi différents que la peinture et la vidéo. Tout en encadrant parallèlement l’un et l’autre, « dans une succession de fragments divers rassemblés en frise », elle constitue un objet dont la structure est « assez proche de l’improvisation musicale en jazz ». Question de rythme et de séquence, de couleur aussi, peinte ou sonore.
Dans les années 1990, elle a participé au renouveau de la peinture contemporaine, grâce à l’utilisation d’une palette colorée, lumineuse et à une approche singulière de l’image peinte. En effet, elle collecte des images médiatiques extraites des journaux, d’Internet, au cinéma, elle sélectionne des captures d’écrans ou photographie les paysages urbains, la nature et les individus rencontrés. À partir de ce flot d’images numériques, elle procède à un travail de reformulation plastique via la peinture où s’entremêlent imaginaires collectifs et personnels.
Carole Benzaken s’attache aux textures, aux détails et aux imperfections de ces images glanées. Elles sont pixélisées, floutées, nous y décelons des formes, des paysages, des figures humaines, noyés dans la couleur et le mouvement. Les toiles, soit des grands formats, soit des formats plus petits présentés les uns à la suite des autres telles les images d’un film dont l’histoire se déroule sous nos yeux. Un rapport à la vidéo et au cinéma qui joue un rôle important dans sa conception même de l’image.
D’Andy Warhol à Gerhard Richter, l’image photographique est un motif de la peinture contemporaine. Ici, ce n’est pas ni une représentation ni une copie d’image, mais l’illustration d’un passage, d’un « transport amoureux ». D’une technique numérique à la peinture, sensuelle et tactile, d’un petit format à une grande toile travaillée énergiquement au sol, plus tard, à Paris.
Les motifs sont les supports de ce mouvement répétitif, comme des thèmes de jazz aux interprétations multiples. La peinture devient l’espace du mouvement inachevé, de la lutte contre la fin. De Los Angeles, ville fluide et insaisissable, l’artiste a retenu « rien que du mouvement et du vide ».