Mona Hatoum

Du 24 juin au 28 septembre 2015 - Centre Pompidou - Paris

Née en 1952 à Beyrouth (Liban), vit et travaille à Londres (Grande-Bretagne)

Une exposition qui flirte avec l’intime, en jouant sur des œuvres de Mona Hatoum souvent organiques . A travers une cinquantaine d’œuvres de l’artiste libanaise, c’est un voyage qui questionne le monde vivant d’aujourd’hui, le vivre ensemble, la relation à l’autre et son caractère à la fois rassurant et pesant. Vous entrerez dans un univers turbulent empli de métaphores et d’acrobaties visuelles qui questionne tour à tour l’intime et la marche du monde.

 

Cellules, 2012-2013
Cette installation est constituée de huit structures de taille humaine, construites au moyen de tiges  métalliques, utilisées comme armatures du béton armé, dans lesquelles est enserrée une forme en verre soufflé rouge cerise. 

L’intitulé fait à la fois référence aux cages et aux plus petits composants des organismes vivants. La polysémie du titre est symptomatique de la démarche de Mona Hatoum visant dans ses œuvres à susciter plusieurs niveaux de lecture. Ces structures instables peuvent s’interpréter comme des cages renvoyant à l’enfermement et à l’isolement, et l’on peut voir dans les pièces en verre soufflé, un cœur incandescent, source d’énergie, gage de vie, d’espoir et de liberté. Cette œuvre allie la géométrie et la solidité d’une grille métallique à la transparence et à la fragilité d’une forme organique en verre.

Contrastes, oppositions
Mona Hatoum joue d’effets contradictoires donnant une présence singulière à son œuvre. À la matérialité brute des cages de métal s’opposent la brillance, la couleur et la forme anthropomorphe des bulles de verre, évoquant dans un même temps la cellule de prison et celle du corps humain. 

Références
Par certains aspects formels, l’œuvre de Mona Hatoum pourrait se rapprocher de l’Arte Povera. On retrouve en effet chez ces artistes une similitude dans l’emploi de matériaux bruts souvent organiques, certains diraient pauvres. La composition des œuvres joue sur des oppositions et des effets de contraste que nous retrouvons ici dans Cellules.

Les premières références porteront sur les limites physiques des matériaux ou de la construction.

Contrastes et oppositions sont des modes de composition plastique qu’on retrouve aussi dans le domaine musical. Ainsi, dans la musique concrète l’artiste part de sons concrets enregistrés dans l’environnement quotidien pour les retravailler en objets sonores qui s’inscrivent dans la composition.

Production
« Les contraires s’assemblent. »
« Un maximum d’effet avec un minimum de moyens. »
Des limites provoquant résistance et tension

La grille, bien que laissant passer le regard sur ce qu’elle renferme, impose une limite entre l’intérieur et l’extérieur, révélée par la cellule humaine, qui ne peut s’échapper de cette gangue. Cette bulle d’énergie entre en conflit avec cette structure.

Références
Cette seconde série de références portera davantage sur les limites spatiales et la confrontation entre l’intérieur et l’extérieur.

Ainsi en va-t-il des chapiteaux médiévaux historiés ou des premières œuvres du peintre Jean-Charles Blais. La figure s’inscrit dans le format et se plie à ses limites, épousant les contours du support ou s’en échappant. 

Production
Représenter – voire performer – la consigne « coincé dans le cadre ».
Corps évoqué, corps de spectateur

Le corps est évoqué de diverses manières : le titre, la taille des cellules de métal, la couleur. Mais le souffle qui a permis la création des bulles de verre n’est-il pas aussi matérialisation du corps et symbole de force vitale ? 

En outre, l’installation n’est-elle pas aussi une invitation à un parcours où le corps du spectateur rencontre celui de l’œuvre ?

Références
Le corps est évoqué de manière imagée dans la sculpture par des œuvres qui tendent à l’abstraction ou par des formes biomorphiques comme le montrent Brancusi ou Jean Arp. Avec Buste d’homme ou Concrétion humaine, il s’agit de retrouver la forme pure, essentielle qui, en un minimum d’éléments, évoquera le corps.

Dans Le Passage des chaises, Tadashi Kawamata érige une tour de Babel constituée par les chaises et bancs de la chapelle de l’hôpital de la Salpêtrière, donnant à ce passage une dimension humaine et symbolique, invoquant le corps, la parole et le temps.

Œuvre ouverte
Le titre même ainsi que les choix plastiques de l’artiste font de cette installation une œuvre ouverte suscitant différents niveaux de lecture. Si l’œuvre fait référence à l’enfermement dans un territoire et à l’énergie vitale, chacun l’interprétera par rapport à son propre vécu et ses connaissances.

Références
L’œuvre n’existerait que par le regard posée sur elle. L'artiste n'est pas seul à accomplir l'acte de création car le spectateur établit le contact de l'œuvre avec le monde extérieur en déchiffrant et en interprétant ses qualifications profondes et, par là, ajoute sa propre contribution au processus créatif : « c’est le regardeur qui fait l’œuvre » (Marcel Duchamp).

Reprenant la pensée de Marie-José Mondzain, on pourra amener les élèves à se questionner sur la place du spectateur face à des images ou face à leur propre production.  Quelle place concède-t-on au spectateur ? Laisse-t-on à désirer ? Quelles sont « les images qui nous font naître » ? Et celles qui nous bâillonnent ?

Production
« En dire le moins possible » ; « Affirmer / suggérer ».

Débat
« Pouvons-nous vraiment échapper aux contraintes, aux limites ? »
« Les limites nous structurent-elles ou nous privent-elles de nos libertés ? »
Vous pouvez amener les élèves à se questionner sur la fonction des lois, de la morale mais également par exemple sur l’autorité (parentale, dans le cadre scolaire…), que vous pouvez aborder à la fois comme contraintes, limites mais aussi comme cadre structurant.

Mona Hatoum se méfie des simplifications et des discours tout prêts. Elle s’en méfie d’autant plus qu’elle en a souvent subi la brutalité. Parce qu’elle est née à Beyrouth, en 1952, de parents d’origine palestinienne, l’artiste britannique a trop souvent vu ses travaux – en fait une partie de son œuvre, toujours la même – interprétés immédiatement d’après sa naissance. Non qu’elle nie que son œuvre soit souvent politique. Mais elle est loin de l’être systématiquement et, quand elle l’est, ce n’est pas seulement et exclusivement à la situation au Proche-Orient qu’elle fait référence. Elle prévient d’entrée : « Chacun est libre de comprendre ce que je fais en fonction de ce qu’il est, du lieu où il se trouve. Je peux raconter la genèse de mes œuvres, mais pas plus. Je ne veux pas assigner à chacune un sens et un seul. » L’enfermer dans un ton unique, qui serait celui du tragique de l’exil et des guerres, ce serait même manquer ce qui rend son œuvre remarquable : la tension qu’elle crée entre des polarités opposées, le banal et l’onirique, l’inquiétude et la légèreté, la gravité et le jeu.